Durabilité dans l’effort en endurance : les clés pour maintenir la performance sur la durée
- Quentin Misser
- 25 mars
- 9 min de lecture
Qu’est ce que la durabilité dans l’effort en endurance ?
De manière générale, la durabilité attrait au caractère de ce qui est durable, à la durée d’utilisation d’un objet ou d’une entité.
Dans le contexte sportif, il s’agit dans le même sens de la capacité à maintenir une performance sur la durée d’une épreuve. Il s’agit donc de conserver une intensité d’effort élevée jusqu’au terme de l’activité et ce malgré des contraintes / sollicitations importantes sur le corps et le mental.
Dans le cadre des sports d’endurance qui nous intéressent ici, l’athlète devra donc gérer son effort en maximisant l’utilisation de ses ressources énergétiques et minimisant l’impact musculaire pour durer dans l’effort.
La durabilité d’une performance chez un athlète est la conséquence de plusieurs facteurs physiologiques, musculaires, mentaux, qu’il est supposé maximiser afin d’obtenir une performance optimale, notamment dans une compétition de longue durée.
Quels facteurs influencent la durabilité de l’effort ?
Un des facteurs physiologiques principaux qui régit la performance en endurance reste le VO2Max, également appelée capacité aérobie. Il s'agit de la quantité maximale d'oxygène qu'un athlète peut utiliser pendant un effort intense (rapporté à la masse de l’athlète et au temps d’effort). Un VO2Max élevé permet de maintenir une performance élevée pendant de longues périodes, car le corps peut mieux utiliser l'oxygène pour générer de l'énergie. Dans une ancienne étude de Coyle et al. (1988), il indique que la capacité aérobie est l'un des meilleurs indicateurs de la performance d'endurance. Plus le VO2Max est élevé, plus un athlète peut maintenir une intensité élevée sur une longue durée.
Nous savons néanmoins que le VO2Max est un facteur de la performance très héréditaire (que ce soit dans son statut de base ou dans son amélioration) et loin d’être l’unique facteur permettant d’améliorer la performance surtout lorsque les durées d’effort s’allongent de manière importante.
Par exemple, les études menées (Jones, 2006) sur la Marathonienne Anglaise et ancienne détentrice sur record du monde du Marathon Féminin, Paula Radcliffe, montrent que son niveau de performance sur Marathon augmentait au cours des années alors même que son VO2Max diminuait. Ce qui implique que ce paramètre n’est pas le seul influant sur la performance en endurance. Son niveau d’économie de course, quant à lui, aurait augmenté de 15% sur une plage de 11 ans, résultant en un record du monde qui restera inégalé pendant près de 20 ans.
Comme le montre Joyner (1991), la modélisation de la performance en endurance tourne autour de ces trois grands axes, que sont le VO2 Max, le niveau des seuils lactiques (Fraction de VO2Max) et l’économie de course. Il utilise ces éléments pour prédire les futurs records au marathon. Il explique néanmoins dans une future étude (Joyner et Coyle, 2008) que d’autres paramètres sont à envisager quant à la problématique de maintien d’une intensité aussi élevée que celle du marathon (générant autant le système anaérobie) sur plus de deux heures.
Comme le montre Gallo et al. (2022b), l’influence du volume de charge précédent sur la performance suivante est importante et assez disparate entre les athlètes (notamment entre les athlètes juniors et séniors élite). Cela indique un facteur de résilience, de durabilité plus important chez les athlètes élites, expliqué par des volumes d’entraînement plus importants.
Il explique que les facteurs précédents ne sont pas immuables mais bien variables. Le VO2Max, l’économie de course et les seuils lactiques varient avec la fatigue au cours de la course (et varient de différentes manières en fonction des individus)
Il ne s’agit donc pas seulement de posséder un VO2Max digne de Jonas Vingegaard pour performer (bien que cela aide plutôt pas mal). Il est également nécessaire d’être capable de maintenir une fraction de ce VO2Max le plus élevé possible, posséder une économie de course importante ET maintenir ou réduire l’altération de cet ensemble sur la plus grande durée possible. Cela constitue une quatrième dimension de la performance en endurance (Jones, 2024).
Comment les différents facteurs interagissent avec la durabilité de l’effort ?
Les chaussures nouvelle génération possédant une ou plusieurs plaques de carbonne (Hébert-Losier & Pamment, 2023) améliorent la performance d’environ 2% et l’économie de course de 4% (un peu moins pour les pointes).
Sur l’aspect nutritionnel, l’oxydation du glycogène (CHO) pendant l’effort permet un apport énergétique important. Il est divisé en deux catégories : la quantité de CHO intramusculaire pré course et la quantité d’apport pendant l’effort.
Plus l’apport est élevé (jusqu’à 120 g/h d’après Viribay et al., 2020), plus il compenserait l’augmentation de la consommation en oxygène dû à l’utilisation de ce substrat (Clark et al., 2019a) pendant la course. Il est également important par conséquent de conserver au maximum les réserves de glycogène musculaire par l’intermédiaire de l’utilisation des graisses pendant l’effort.
Dans le même cadre, l’adaptation à l’altitude et une hydratation suffisante permettront également de limiter les effets de la fatigue sur la durabilité.
Une excellente économie de course permet de limiter la consommation de l’ensemble des substrats énergétiques à une même allure et donc d’améliorer la durabilité (Spragg et al., 2023a).
La masse du coureur est évidemment un facteur qui interagit fortement sur la performance en économie de course (également sur la VO2/kg). Ce paramètre est à prendre en compte pour performer. Il est néanmoins important de préciser qu’une répartition corporelle harmonieuse permettra des performances musculaires plus importantes et qu’une masse grasse trop faible limitera fortement la possibilité d’utilisation des lipides pendant la compétition. Cela sans parler des problèmes hormonaux possibles chez les athlètes (notamment féminines) liés à la masse adipeuse.
Il est d’ailleurs possible de gérer la perte de poids pendant la durée de la compétition (exemple : Marathon ou épreuve de cyclisme longue) afin d’améliorer le coût énergétique, la fraction de VO2Max. Cela est à prendre avec des pincettes, beaucoup de précision et une gestion millimétrée de la nutrition pendant l’effort.
Le modèle de dépiction de la performance en endurance proposé par Andrew Jones de 2023 correspond à ce qu’il appelle “la résilience” ou résistance et permet d’appliquer le quatrième facteur indépendant de la durabilité. Cela implique que les facteurs ne sont pas statiques mais bien dynamique au sein d’une performance sportive de longue durée. Il ajoute par rapport au modèle de Joyce les concepts de VO2 critique, vitesse ou puissance critique (CS / CP), travail au-dessus de CP (W’).

Quels types d’entraînement peuvent nous permettre d’améliorer la durabilité de l’effort ?
Le volume d’entraînement global et sur plusieurs années (Gallo et al., 2022a et 2022b) est un paramètre important pour la durabilité. Il s’agit donc d’un levier plutôt long terme et permettant notamment à des athlètes plus âgés d’être encore très performant sur des épreuves longues distances (Ex : Ludovic Pommeret qui gagne la Hardrock 100 à 45 ans passés, ou encore Cédric Fleureton sur la SaintéLyon).
Volume d’entraînement élevé avec une méthode pyramidale (Aka Kényan style) (Burnley et al., 2022). D’après Burnley, la méthode polarisée de l’entraînement n’est pas optimale pour le coureur en endurance. Il y explique également l’implémentation d’entraînement à jeun ou avec peu d’apport en glucose, voire à jeun de la veille. La méthode pyramidale a pour but de passer plus de volume intense entre les deux seuils (LT1/ LT2) qu'au-dessus du second seuil.
L’entraînement pliométrique améliore la conservation de la structure du coureur sur la durée de l’effort et le renvoi d’énergie élastique. Cela peut résulter d’un travail spécifique de descente pour le trail, ou bien d’un travail plus direct en salle de musculation. Un entraînement croisé en salle peut permettre une amélioration des capacités pliométriques de l’athlète par l’apport de sauts, réceptions, mouvements provocants un étirement puis un raccourcissement “réflexe” rapide des fibres musculaires. Cela permet d’améliorer la force musculaire par des gains nerveux et de renforcer la résistances des fibres musculaires aux contraintes structurelles importantes de la course à pied par exemple.
La fatigue mentale (bien que pas réellement définie) pourrait également être améliorée via des entraînements aux intensités spécifiques de course sur de long intervalles (Meeusen et al., 2021).
En termes de méthode d’entraînement, la mode actuelle du double seuil est un concept plutôt intéressant pour améliorer la durabilité chez des athlètes déjà chevronnés. Elle s'ancre dans une méthode d’entraînement à tendance pyramidale comme indiqué plus haut. Cette méthode existait également chez les triathlètes avec des enchaînements de disciplines (ex : vélo / course à pied) à des intensités sous maximales.
Comment savoir si l’on a une bonne durabilité ?
Les tests habituels sont capables de déterminer les trois premiers piliers de la performance. Il est compliqué d'effectuer des tests avec des athlètes en leur demandant un effort de 1 à 3h pour tester réellement leur durabilité.
Il est certainement possible de prendre les mesure de la consommation d’oxygène lors d’un exercice sous maximal suite à un test maximal. Cela reste des tests en laboratoire.
Pour avoir une idée de sa durabilité, il est possible de prendre en compte ses résultats de compétition.
En effet, en triathlon, nous avons l’avantage de pouvoir comparer nos performances sur course à pied sèche et sur course à pied à la fin d’un triathlon. Si dans la même année et / ou à niveau de forme relativement proche, vous possédez deux performances sur 10km et sur triathlon M. Vous allez pouvoir remarquer la perte de performance entre les deux.
Evidemment, il est nécessaire de prendre en compte les paramètres de chaleur, de parcours, de poids, de matériel, et nutrition… Tous ces paramètres faussent une analyse profonde de cette durabilité. Rien ne peut remplacer un test en laboratoire avec l’ensemble de ces paramètres retirés des biais.
Un autre moyen de connaître votre niveau d’endurance est la puissance ou vitesse critique (CP / CS). Elle peut être estimée via un calcul en prenant en compte deux performances rapprochées temporellement sur des distances éloignées (exemple : un 5km et un Semi Marathon, test 5 et 20 minutes à vélo). On peut ensuite estimer la quantité de travail au-delà de CP ou CS grâce au calcul du W’. Le calcul de ce W’ peut nous permettre d’estimer un indice d’endurance. Plus celui-ci est faible, plus l’indice d’endurance est élevé (pente de décroissance de la puissance / vitesse en fonction du temps).
Références bibliographiques :
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Gallo, Gabriele, Peter Leo, Manuel Mateo March, Andrea Giorgi, Emanuela Faelli, Piero Ruggeri, Iñigo Mujika, et Luca Filipas. « Differences in Training Characteristics Between Junior, Under 23 and Professional Cyclists ». International Journal of Sports Medicine 43, no 14 (décembre 2022): 1183‑89.
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